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un juge impartial ; il avait contre les journalistes, comme nous le verrons bientôt, des griefs qui ne lui laissent pas la liberté de son jugement. Mais Camusat lui-même, qui devait avoir naturellement de la sympathie pour le journalisme, ne dissimule pas ses écarts, et ne va pas moins loin que Voltaire dans ses appréciations. Nous avons parlé tout à l’heure de la préface qu’il avait composée pour son Histoire des Journaux. Après avoir relevé dans cette préface le mérite et l’utilité des journaux, il signalait le préjudice qu’ils faisaient aux études ; il y prouvait que la corruption du goût et la décadence des lettres, dont l’Europe était généralement menacée, étaient en partie des effets des mauvais journaux que des auteurs à gages composaient sans goût, sans discernement, sans science, en un mot sans autre secours qu’un avertissement ou les sommaires d’un livre, ou la table des matières. Il montrait que les jugements de ces faiseurs de journaux étaient fondés la plupart du temps sur les décisions des oracles de certains libraires, ou sur les vues intéressées de la librairie, ou sur un esprit de parti. Et cependant, ajoutait-il, « les jeunes gens puisent aujourd’hui leur savoir dans ces journaux, et, après y avoir lu un mauvais extrait, décident hardiment d’un livre et des matières qu’il

    trafic public d’éloges et de censures, surtout dans les feuilles périodiques, et la littérature a éprouvé le plus grand avilissement de ces infâmes manéges. »