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ces hommes d’élite se grossirent bientôt de pauvres réfugiés, que le désœuvrement, la misère ou le désespoir rendaient auteurs contre toute vocation, et qui brochaient des libelles ou de misérables compilations que les circonstances faisaient lire, et que les libraires de Hollande savaient débiter[1].

Ainsi presque exclusivement concentrée dans les mains des protestants, la presse littéraire en devait recevoir un caractère tout particulier. La controverse, quand elle se la permet, porte beaucoup moins sur les questions littéraires que sur les questions religieuses, qui avaient alors le privilége de passionner plus particulièrement les esprits. Obéissant d’ailleurs à un sentiment de conservation assez naturel, elle n’y touche qu’avec la plus grande réserve, et nous avons entendu tous les nouveaux entrants dans la carrière faire à ce sujet les protestations les plus formelles, promettant de se renfermer dans les limites d’une impartialité presque impossible en pareille matière. En général, sur ce point comme sur les autres, ils se défendent de la prétention de juger ; leur méthode, nous l’avons dit, est l’abstention, méthode peu conforme à l’esprit de la critique, du journalisme, dont le propre est précisément de juger, et même, au besoin, de décider, de trancher. Et encore, si bénigne que se montrât la critique, si

  1. V. Histoire de la Littérature française à l’étranger, par M. Sayous.