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de blessures pour l’amour-propre. Il se piqua moins encore de cette impassible équité qui, dans l’examen d’un livre « ne voit jamais l’auteur, ne voit que son ouvrage. » La précipitation de ses jugements, leur forme ironique, le ton tranchant qu’il affecta souvent de prendre, et surtout la partialité qu’il fit paraître dans plusieurs de ses critiques, lui suscitèrent de nombreux ennemis. Il n’en eut pas de plus violent ni de plus irréconciliable que Voltaire ; il faut dire aussi qu’il n’en rencontra pas de plus susceptible : la moindre critique, on le sait, mettait ce grand homme hors de lui. C’est une faiblesse incompréhensible, mais qu’il faut bien reconnaître, quelque admiration que l’on professe pour cet incomparable génie.

« Malheur à qui osait toucher aux lauriers de M. de Voltaire ! dit Clément. Et n’est-il pas bien singulier, ajoute l’auteur des Nouvelles littéraires, que ce poète invulnérable à force de blessures et de ressources, après avoir prêché sur les toits la liberté de la presse, et donné l’exemple du libertinage de l’impression jusqu’à se faire brûler, n’ait pas plutôt joui d’un moment de faveur qu’il l’ait employé à gêner ses confrères. Je lui pardonne tous ses défauts, excepté celui-là. C’est le péché contre le Saint-Esprit dans la république des lettres : malheur à qui s’en est rendu coupable, eût-il la mort entre les dents et le billet de confession la main ! »