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critiques : Alger mourrait de faim, si Alger était en paix avec tout le monde. »

Il me paraît difficile de voir là dedans autre chose qu’une plaisanterie. J’avoue que je ne saurais davantage prendre au sérieux cette anecdote que je lis dans les Œuvres inédites de Piron récemment publiées[1].

«  L’abbé Desfontaines — c’est Piron qui parle — apôtre du goût sans autre mission, non plus que Fréron, son disciple, que son besoin de vivre et son penchant à nuire, avait fait main basse partout et avait tout déchiré, depuis M. de Lamotte jusqu’à l’abbé Leblanc. Il était aux égards encore pour moi, sans que j’en connusse la raison, quand un jour il vint exprès chez moi pour me dire qu’il allait mourir de faim ; que tout tombait dans l’inaction ; que tous les auteurs se faisaient censeurs royaux ; que les libraires n’étaient tous que des poltrons, des fripons et des ânes ; qu’en un mot il ne savait plus où tirer un coup de fusil. Conclusion : puisqu’il ne paraissait plus rien de nouveau, il venait, me connaissant moins scabreux que tout autre, me prier, faute de nouveautés, de ne pas trouver mauvais qu’il s’égayât sur mes ouvrages connus. — De tout mon cœur, lui répondis-je ; grand bien vous

  1. Œuvres inédites de Piron, publiées par M. Honoré Bonhomme, chez Poulet-Malassis et de Broise, un très-curieux volume dont il n’est plus besoin de faire l’éloge.