Page:Hatin - Histoire politique et littéraire de la presse en France, tome 2.djvu/370

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fasse, monsieur l’abbé ! Grêlez sur le persil, tombez sur moi, taillez, coupez, tranchez ! On ne refuse pas une permission de chasse à qui ne tire sa poudre qu’aux moineaux.

« Il s’arrangea sur cette belle indifférence, et me mit en pièces dans ses feuilles. J’y fus traité d’auteur sans goût, sans art, sans style, sans délicatesse, etc. Je l’avais laissé le maître : il pouvait me tondre jusqu’à la peau exclusivement, sans que j’eusse envie ni droit de me plaindre. »

S’il fallait prendre ce récit au pied de la lettre, ce serait bien le cas de répéter que le vrai peut quelquefois n’être pas vraisemblable. La modération n’était pas précisément la vertu de Piron, et ceux qui le connaissaient le mieux n’étaient pas bien convaincus de sa bonhomie, quoi qu’il pût dire. Je lis dans une lettre du même recueil : « Bonhomie est et fut toujours ma devise, pendant que peut-être on se relaie, à Dijon, à dire : Il est malin. » Et il le prouve tout de suite : « J’ai quelquefois plaisanté, il est vrai, mais qui ? Leblanc, Fréron, Desfontaines, Voltaire[1], la vergogne et les fléaux de la littérature, agresseurs insolents, corrupteurs du goût, malfaisants, malveillants, etc. »

L’étrange bonhomie ! Les innocentes plaisanteries ! Quoi qu’il en soit, la patience de Piron ne tint

  1. Voir sur les relations de Piron avec Voltaire deux très-intéressants et très-spirituels articles de M. Cuvillier-Fleury, dans le Journal des Débats de mai 1859.