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pas à ce jeu, qu’à l’entendre il aurait lui-même provoqué. Nous lui rendons la parole.

« Je ne remuai donc pas, et je n’aurais jamais remué sans une vive écorchure qui me pinça jusqu’au vif. Il parut une nouvelle édition des œuvres du célèbre J.-B. Rousseau. Son métier était d’en parler. Il en rendit compte, et, plus pour mortifier Voltaire que pour aucun amour de la vérité, se répandit fort en louanges sur l’ouvrage. Ensuite, pour enfler commodément sa feuille, il en cita le plus d’endroits et les plus longs qu’il put, entre autres une lettre de ce poète à M. Racine fils, écrite de Bruxelles, où j’étais alors. Rousseau y parle de moi en ces termes : « Je possède ici, depuis quelques jours, un de mes compatriotes au Parnasse, M. Piron, que le Ciel semble m’avoir envoyé pour passer le temps agréablement. M. Piron est un excellent préservatif contre l’ennui ; mais il s’en va dans huit jours, et je vais retomber dans mes langueurs, etc. » L’abbé s’arrêta à mais, suivi d’un malin etc. » J’en aurais ri encore, mais tant d’honnêtes gens m’en firent sentir le venin que je pris feu. »

On conviendra que le bonhomme prenait feu assez facilement. Là-dessus donc, il promit à Desfontaines, à ce qu’on dit, de lui envoyer tous les matins, pendant cinquante jours, une épigramme pour son déjeuner. Et il lui tint largement parole, car la note que nous venons de citer, et qui était