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journaliste, qui voyait déjà la prison en perspective, répondit, avec autant de fierté que d’intelligence, que, quand un sujet tirait l’épée contre son souverain, il ne devait jamais la remettre dans le fourreau. Et il tint parole, car il mourut les armes à la main.

» Voltaire, conseillé par sa grandeur d’âme et par le sentiment de sa supériorité, devait, de ce moment, accorder une sorte d’estime à son dangereux, mais loyal ennemi ; il n’en fit rien : il eut recours à une espèce de vengeance d’Atrée qui déshonore à la fois le vainqueur et sa victime.

» Le Pauvre Diable parut, ouvrage charmant dans sa double licence, qui donna une sinistre immortalité à Trublet, à Pompignan, et surtout à Fréron. Ce dernier fut écrasé par ce coup de massue (il ne s’en portait pas plus mal, comme nous le verrons) ; malheureusement l’épigramme, écrite avec la plume licencieuse de Pétrone, ne saurait se lire sans faire rougir, et dès lors elle perdit tout son effet. Fréron parut un moment absous de son crime parce que son vainqueur l’avait partagé. »

Et en effet, dit M. Nisard, tout ce que peut suggérer la haine la plus implacable jointe au mépris le plus profond, tout le poison que peut distiller la calomnie, quand le calomniateur est altéré de la soif de la vengeance, est renfermé dans cette courte, mais abominable peinture. Cependant, ce portrait