Page:Hatin - Histoire politique et littéraire de la presse en France, tome 2.djvu/423

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à bout de l’anéantir ! Lui, Voltaire, arrêté dans sa gloire par cette misérable feuille !… Avouez avec moi qu’en effet cela est étrange, et qu’en effet Voltaire, se voyant vaincu, comme Cromwell, par ce grain de sable placé là, a eu bien raison d’être furieux toute sa vie et de toute sa fureur contre Fréron. — Aussi vous savez comment s’est exhalée cette immense colère de Voltaire, qui n’a jamais eu d’égale… Tout ce que la haine a de fiel, tout ce que la rage a de venin, tout ce que la langue des halles a d’insolentes injures, tout ce que le mépris peut imaginer dans ses accès de brutalité, tout ce que des crocheteurs pris de vin, tout ce que des femmes de la halle brûlées de soif peuvent trouver dans leur gosier desséché d’horribles, de sales et infâmes mensonges, tout cela a été prodigué et versé à plein vase sur la tête de Fréron le journaliste. Voltaire, à cette grande occupation, a passé une grande partie de sa vie. Voltaire voyait Fréron partout, à chacune de ses pages. Fréron était pour Voltaire comme cet abîme entr’ouvert qui épouvantait Pascal. Au milieu d’une grande dissertation historique, Voltaire s’interrompait pour attaquer Fréron ; au milieu d’un conte léger, cette ironie de tant de verve, de hardiesse et d’esprit, Voltaire, s’arrêtait pour insulter Fréron. Partout, à chaque instant, Voltaire écrit le nom de Fréron[1]

  1. Les feuilles de Fréron étaient, de toutes les feuilles périodiques de Paris