Page:Hatin - Histoire politique et littéraire de la presse en France, tome 2.djvu/424

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» On ne saurait nier qu’il n’ait fallu un grand courage, un courage plus qu’humain, pour résister à toutes ces épreuves. Et cependant Fréron a tenu bon et n’a pas lâché d’un pas ; ni les outrages, ni les insultes, ni les persécutions de tout genre, n’ont pu le faire dévier un instant de la route qu’il s’était tracée. »

Un jour seulement le courage lui manqua avec la force. L’Année littéraire était entrée dans sa 23e année, dans sa 29e si l’on y ajoute les Lettres sur quelques écrits de ce temps, dont elle n’était que la continuation sous un autre titre, lorsqu’un jour qu’il souffrait d’un violent accès de goutte on vint lui apprendre que ses ennemis l’emportaient enfin, et que le garde des sceaux venait de supprimer le privilége de son journal sous le prétexte qu’il ne payait point les pensions dont on l’avait grevé. À cette nouvelle, Fréron désarmé s’avoua vaincu, pour la première fois. Cependant il ne ressentit ni indignation, ni colère. « C’est là, dit-il, un malheur particulier, qui ne doit détourner personne de la défense de la monarchie ; le salut de tous est attaché au sien. » Disant ces mots, il baissa la tête et mourut, accablé de fatigues et d’ennuis. La goutte lui était remontée et l’avait étouffé.


    celles que Voltaire lisait le plus assidûment, dit Delisle de Salles. Quand il en recevait une et qu’il la prenait pour la parcourir, on a remarqué que la main lui tremblait ; il avait l’air d’un criminel qui va entendre sa sentence.