Page:Hatin - Histoire politique et littéraire de la presse en France, tome 2.djvu/427

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

journaliste lui-même. Il avait beaucoup d’esprit naturel, une éducation cultivée, un caractère facile et gai, et, quoi qu’en aient dit ses ennemis, des mœurs très-douces.


Jusqu’au bout l’Année littéraire demeura une véritable puissance ; le succès ne se soutint pourtant pas toujours égal pendant sa longue existence, et cela se comprend facilement. Si grand que fût le courage de Fréron, son rôle n’était pas toujours facile. Apportait-il dans la discussion quelque vivacité, on l’accusait de « ne se soutenir que par le scandale, et ces scandales même commençaient à fatiguer : on se dégoûtait de cette monotonie d’injures toujours attachées aux mêmes noms, et qu’on savait par cœur dès la première ligne[1]. » D’un autre côté, « dès que ses feuilles n’étaient plus soutenues par le sarcasme, si à sa main, et si agréable au lecteur, on les trouvait vides, on se plaignait. À quoi il répondait qu’il ne pouvait plaisanter le moindre grimaud du Parnasse qu’on ne le muletât à la police, qu’on ne le sabrât, qu’on ne le mît en pièces[2]. »

Pendant les sept ou huit dernières années de sa vie, dit La Harpe, « ses feuilles, qui ne lui valaient plus que six à sept mille livres, et qui étaient chargées de quatre mille livres de pensions, ne pouvaient

  1. La Harpe.
  2. Mémoires secrets.