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Au grand Corneille il a fait avanie ;
Mais, à vrai dire, on riait aux éclats
De voir ce nain mesurer un Atlas,
Et, redoublant ses efforts de Pygmée,
Burlesquement roidir ses petits bras
Pour étouffer si haute renommée[1].


La mort de Voltaire mit le comble aux épreuves et aux tribulations de La Harpe. La foule des petits auteurs, ses ennemis, n’attendait qu’une occasion pour tomber sur le disciple que la protection du maître ne couvrait plus. Le gouvernement, afin d’éviter des querelles indécentes, avait désiré que les journaux gardassent le silence sur Voltaire. La Harpe, rendant compte dans le Mercure, quelques semaines après, du Bajazet de Racine, se permit quelques observations sur cette tragédie, regardée généralement, disait-il, comme l’une des plus fai-

  1. On en pourrait citer cent autres. Nous avons dit que Piron, ayant eu à se plaindre de l’abbé Desfontaines, lui promit, en reconnaissance, de lui envoyer, pendant cinquante jours de suite, tous les matins, une épigramme pour son déjeuner, et qu’il lui tint parole. Linguet, qui avait bien autrement à se plaindre de La Harpe, lui promit de même de lui adresser des épigrammes périodiques, mais tous les lundis seulement. Aucune de celles de ces épigrammes qui sont parvenues jusqu’à nous ne m’a paru digne d’être citée après les précédentes. La Harpe eut même les honneurs de la caricature. « On est inondé tous les jours, dit Grimm, à la date d’octobre 1778, de nouvelles estampes relatives à nos traités avec l’Amérique et à nos brouilleries avec l’Angleterre. Puisqu’on se permet ces libertés avec les puissances de la terre, faut-il s’étonner qu’on les prenne avec les chefs prétendus de la littérature ? L’estampe qu’on vient de faire graver en mémoire de la déclaration de guerre envoyée par M. de La Harpe, de l’Académie française, au Courrier de l’Europe, et de la réplique dudit Courrier au sieur de La Harpe, n’est qu’un mauvais calembour dont la malignité a fait tout le succès. Le jeune académicien y est représenté dans une posture fort ridicule, entouré de quatre estafiers qui l’assomment de coups de bâton, et au bas de l’estampe on lit ces mots : Accompagnement pour La Harpe. » — En répondant au cartel du fameux critique, comme on se plaisait à l’appeler, le Courrier de l’Europe lui avait laissé le choix des armes, depuis l’épingle jusqu’au canon, et il ajoutait que, ne pouvant faire de lui un soldat, il en ferait un tambour.