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C’est ce petit rimeur de tant de prix enflé
Qui, sifflé pour ses vers, pour sa prose sifflé,
Tout meurtri des faux pas de sa muse tragique,
Tomba de chute en chute au trône académique ?
Ces détours sont d’un lâche et malin détracteur.


De tels vers sont des flèches que le blessé, bon gré mal gré, emporte avec soi dans l’avenir. On connaît ces autres de Le Brun, qui plus que personne semble avoir trouvé à harceler La Harpe une sorte de délectation vengeresse[1] :


De La Harpe, a-t-on dit, l’impertinent visage
Appelle le soufflet. Ce mot n’est qu’un outrage.
Je veux qu’un trait plus doux, léger, inattendu,
Frappe l’orgueil d’un fat plaisamment confondu.
Dites : Ce froid rimeur se caresse lui-même ;
Au défaut du public, il est juste qu’il s’aime ;
Il s’est signé grand homme, et se dit immortel
Au Mercure ! — Ces mots n’ont rien qui soit cruel.
Jadis il me louait dans sa prose enfantine ;
Mais, dix fois repoussé du trône de Racine,
Il boude, et son dépit m’a, dit-on, harcelé.
L’ingrat ! j’étais le seul qui ne l’eût pas sifflé !


Et cette épigramme, une des meilleures qui aient été faites.


Ce petit homme à son petit compas
Veut sans pudeur asservir le génie ;
Au bas du Pinde il trotte à petits pas
Et croit franchir les sommets d’Aonie.

  1. Le Brun ne démentait point le genus irritabile vatum ; nous le verrons dans le prochain volume aux prises avec Fréron, qui s’était permis de critiquer une de ses odes.