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noblement. Vous éclairez vos ennemis en triomphant d’eux ; vous ressemblez à ces braves généraux qui traitent leurs prisonniers avec politesse, et qui leur font faire grande chère. — Il faut avouer que la plupart des querelles littéraires sont l’opprobre d’une nation. — C’est une chose plaisante à considérer que tous ces bas satiriques qui osent avoir de l’orgueil… Vous avez grande raison de ne pas baisser les yeux vers de tels objets. Mais ne vous lassez pas de combattre en faveur du bon goût, avancez hardiment dans cette épineuse carrière des lettres où vous avez remporté plus d’une victoire en plus d’un genre. Vous savez que les serpents sont sur la route, mais qu’au bout est le temple de la gloire. Ce n’est point l’amitié qui m’a dicté cette lettre, c’est la vérité ; mais j’avoue que mon amitié pour vous a beaucoup augmenté avec votre mérite, et avec les malheureux efforts qu’on a faits pour étouffer le mérite qu’on devait encourager[1].


La Harpe répondit par une longue lettre, qui mérite, à divers titres, de figurer dans cette histoire.


Rien ne fait plus d’honneur au Mercure que l’intérêt que vous voulez bien y prendre. Il serait à souhaiter que cet exemple engageât les gens de lettres les plus distingués à concourir à la perfection d’un ouvrage d’autant plus intéressant pour eux que c’est une espèce de patrimoine littéraire où tous ont également des droits. Le Mercure est encore, malgré tout ce qui lui manque, le plus varié et le plus utile des ouvrages périodiques. J’avoue qu’on a porté jusqu’à l’excès l’abus de cette espèce d’ouvrages aujourd’hui trop multipliés ; ce qui, dans son origine, était destiné à instruire le public, est employé trop souvent à le tromper. Je sais bien que le nombre des journaux a dû croître avec l’étendue de nos connaissances et les objets de notre curiosité. Il n’est pas possible qu’un seul ouvrage et un seul auteur puissent suffire à les analyser, et pour décider qu’un homme est à peu près un sot, c’en serait assez de savoir qu’il se charge

  1. Voy. cette lettre dans le Mercure de mai 1772, p. 122.