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parler du reste. Si rien n’est digne des regards du lecteur, alors n’en parlez pas, à moins que ce ne soit une matière à des réflexions utiles au goût. Mais, en général, toutes les fois qu’il n’y a rien à louer, le meilleur est de garder le silence. La louange est la partie douce et consolante de la pénible fonction de juger.

La plaisanterie est une autre partie bien délicate. Il ne faut se la permettre que contre ceux qui ont voulu offenser. La plaisanterie est la vengeance de la supériorité, et la punition du scandale littéraire.

Si l’on répond à vos censures, et que l’adversaire et l’ouvrage méritent une réplique, une discussion approfondie, une question traitée avec politesse honore les parties contendantes. Si l’on descend aux injures, laissez la haine se débattre contre le mépris.

Peut-être aurez-vous à parler d’un homme connu pour votre ennemi. Gardez que personne loue plus franchement que vous tout ce qu’il aura de louable, et n’épuisez pas la critique sur ce qui sera répréhensible. Qu’il soit bien évident que vous ne vous servez pas de tous vos avantages. Vous seul n’avez pas le droit d’être le plus sévère de ses lecteurs.

Il arrive quelquefois qu’un critique annonce, dès les premières lignes, une haine emportée, et prononce ensuite du ton d’un juge après avoir déclamé du ton d’un ennemi. C’est l’aveuglement d’une passion furieuse, qui, pourvu qu’elle s’exhale, ne se soucie pas d’en imposer.

Vous donnez, Monsieur, des leçons bien sages et bien éloquentes à ceux qui s’exposent à devenir, par état et par caractère, les ennemis de tous les talents, de tous les succès, de toutes les réputations. Vous vous êtes souvent élevé, dans votre juste indignation, contre ces organes de l’envie, de la haine et de l’injustice. Mais n’avez-vous jamais été tenté de les plaindre ? Ah ! Monsieur, qu’il y a loin du plaisir d’admirer, de sentir le génie, au malheur de le haïr ! Quel sort de s’être condamné à détester tout ce que les autres hommes aiment et révèrent, de trouver sa punition partout où les autres trouvent une jouissance, de ne