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Page:Hawthorne - Contes étranges.djvu/242

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CONTES ÉTRANGES

bizarres, le bonheur ne peut se trouver que dans l’état de mariage. Tenez pour certain que les objections les plus fortes en apparence, dirigées contre cette institution, s’évanouissent d’elles-mêmes quand on les passe au crible du raisonnement ; et croyez que l’amour légitime est capable d’opérer des miracles en faisant disparaître les incompatibilités les plus prononcées.

En voulez-vous un exemple personnel ? J’étais précisément tel, dans ma jeunesse, que je vous conseille de ne pas être. J’étais doué d’un tact exquis et d’une sensibilité toute féminine, et je n’exagère rien en affirmant que Thomas Bullfrog était plus femme sous ce rapport que la plus nerveuse des petites maîtresses. La finesse de mon goût était telle, et les perfections que je voulais trouver dans celle qui porterait mon nom étaient en si grand nombre qu’il y avait gros à parier que je ne trouverais jamais une femme à mon gré.

En un mot, j’étais si difficile à contenter que si quelque houri se fût donné la peine de descendre du paradis pour m’offrir sa main, il n’est pas certain que je l’eusse acceptée.

J’avais donc toutes les conditions requises pour vivre et mourir dans le célibat, lorsque, par le plus grand hasard du monde, étant allé faire un petit voyage dans les provinces, je fus engoué, ravi, captivé, saisi, marié, le tout en moins d’une quinzaine, à celle qui s’appelle aujourd’hui mistress Bullfrog.

Cette affaire avait été conclue si rapidement que je dus créditer ma fiancée des qualités qu’elle n’avait pas eu le temps de faire paraître, et fermer les yeux sur quelques légers défauts qui n’avaient pu m’échapper. J’appris bien-