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REMARQUES.

non-moi. Mais cet acte un ou entier est divisé par la langue en trois, savoir : le moi avant qu’il agisse et abstraction faite de son action, désigné par le mot je ; puis ce qui est accompli, considéré après l’acte, non pins comme en étant une partie constitutive, mais abstraitement en soi, et désigné par le mot ceci ; enfin, entre ces deux extrêmes, la langue place le mot fais pour marquer que ce n’est ni je ni ceci qu’elle veut désigner, mais l’acte allant de l’un à l’autre.

La langue arrête donc ce qui coule dans la nature, à peu près de la même manière que l’art saisit un sentiment, un geste, un instant du coucher du soleil, toutes choses qui ne durent point, mais que la poésie, la peinture ou la musique arrêtent et font persister. Et ceci devient surtout éclatant dans les œuvres où s’unissent deux arts de différente nature, comme la poésie et la musique sur nos théâtres, et où l’action dramatique demandant par exemple que le héros s’élance et vole pour sauver la vie d’un ami, au lieu de faire l’action, il chante pendant tout le temps nécessaire pour que le compositeur, forçant le moment de s’arrêter, puisse le saisir et le rendre parla musique. De même la vérité est une, mais les catégories la divisent ou la coupent, et tandis qu’elle coule et manifeste sa vie, les catégories l’arrêtent sans cesse. Mais ces ralentissements sont nécessaires au développement de l’absolu lui-même, ou du moins à l’entendement de l’homme qui ne procède que par catégories, et qui, pour ce motif, n’est pas absolu.