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ANNÉE 1574.

1574. — 13 avril.

Imprimé. – Mémoires de l’Estat de France sous Charles neufiesme, édition de Meidelbourg, 1578, in-8o, tom. III, fol. 159 recto. – Le Laboureur, Additions aux mémoires de Michel de Castelnau, liv. VI, tome II, p. 360, édition de 1731 ; – Et Mémoires et lettres de Marguerite de Valois, nouvelle édition, par M. F. Guessard, Paris, 1842, in-8o, p. 195.


DEPOSITION DU ROY DE NAVARRE

DANS LE PROCES CRIMINEL CONTRE LE Sr DE LA MOLLE, LE COMTE COCONNAS ET AUTRES.

[1]Madame, Je m’estime tres heureux du commandement qu’il vous plaist me faire. Encores que par droict je ne sois obligé de respondre

  1. Cette allocution est adressée à la reine mère, Catherine de Médicis, fille de Laurent de Médicis, duc d’Urbin, et de Madeleine de la Tour, comtesse d’Auvergne et de Lauraguais, née à Florence en 1519, mariée en 1533 à Henri, dauphin de France, depuis Henri II, veuve de ce prince le 18 juin 1559, morte le 9 janvier 1589.
    Les huguenots, sur l’espérance de voir le duc d’Alençon se mettre à leur tête, s’étaient concertés pour reprendre les armes, ce qu’ils commencèrent à exécuter sur plusieurs points avec succès, le mardi gras, 22 février 1574. Ils se trouvèrent partout sur le pied de guerre le 10 mars suivant, jour où ils avaient espéré que le duc d’Alençon et le roi de Navarre pourraient s’échapper de la cour et venir se joindre à eux. Mais l’irrésolution et la timidité du duc d’Alençon décidèrent La Mole, son favori, à aller tout découvrir au Roi. Catherine de Médicis vit là des vengeances personnelles à exercer et aggrava beaucoup cette affaire, qui se termina par le supplice de La Mole, du comte de Coconnas, autre favori du duc d’Alençon, et de François de Tourtay. Toute la procédure nous est parvenue. Le Roi dès l’abord avait interrogé lui-même le duc d’Alençon et le roi de Navarre. « Le premier, dit Mézeray, advoua tout, sans se soucier de mettre en peine ceux qu’il avoit employez : l’autre n’embarrassa ny luy ny ses amis. » Le 26 mars les deux princes, se trouvant à Vincennes avec la cour, qui avait affecté de s’y retirer en grand effroi, se virent ôter leurs épées ; et bientôt ils furent constitués prisonniers. Enfin, le 13 avril, le duc d’Alençon et le roi de Navarre furent interrogés dans les formes. « Le premier, dit encore Mézeray, respondit en criminel, laschement et en tremblant ; l’autre en accusateur plutôt qu’en accusé, avec des reproches qui firent perdre contenance à la Reyne mere. » Ce fut là en effet l’une des conjonctures les plus graves où se soit trouvé le roi de Navarre. Cette déposition, où il raconte toute sa vie, put faire juger dès lors quel grand homme serait ce prince, qui n’avait pas encore accompli sa vingt et unième année. La reine Marguerite nous apprend dans ses mémoires que ce fut elle qui rédigea cette pièce remarquable. « Le Roy mon mary, n’ayant lors personne de conseil auprès de luy, me commanda de dresser par escrit ce qu’il auroit à respondre, afin que par ce qu’il diroit il ne mist ni luy ni personne en peine. Dieu me fit la grâce de le dresser si bien qu’il en demeura satisfaict, et les commissaires estonnez de le voir si bien preparé. » Nouvelle édition de M. F. Guessard, p. 40.