Page:Henri IV - Lettres Missives - Tome1.djvu/19

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l’absence du secrétaire de la main, ou la surcharge même d’écritures qui accablait quelquefois celui-ci. Dans ces moments de presse, il est arrivé parfois que du Pin a laissé s’introduire quelques légères traces de sa propre écriture au milieu de l’imitation de celle du maître. Nous avons pu en constater plusieurs exemples, grâce aux fines observations du possesseur de la plus belle collection d’autographes célèbres, M. Feuillet de Conches, dont le goût éclairé autant que libéral a si bien mérité de ce recueil. Il résulte de ces observations que telle lettre, d’une écriture différente de celle du Roi, mais dictée par lui-même, portera un caractère d’authenticité personnelle plus qu’une autre lettre, en apparence autographe, qu’il n’aura fait que signer sans la lire, qu’il n’aura même ni lue ni signée[1]. Et, parmi celles qui sont réellement tracées en entier de sa main, beaucoup de billets très-courts seront d’un intérêt inférieur à des lettres d’une autre main, rédigées et même contre-signées par un de ses habiles secrétaires, qui s’étaient identifiés, en quelque sorte, avec sa pensée et son expression habituelle.

Souvent le secrétaire du Pin écrivait en son propre nom, et quelques-unes des lettres ainsi adressées à des ambassadeurs n’étaient que des moyens convenus de leur faire parvenir plus sûrement une missive secrète écrite par le Roi dans les interlignes, en encre de sympathie, invisible jusqu’au moment où on la faisait reparaître par l’opération chimique dont l’ambassadeur avait emporté la recette. Quelques lettres ainsi écrites sont conservées encore aujourd’hui à la Bibliothèque du Roi ; et bien que les mots tracés dans les interlignes par ce procédé soient beaucoup plus pâles que le reste, et probablement d’une

  1. Ceci n’est point donné comme une conjecture, mais comme une conséquence nécessaire de l’ordre de faits que j’ai été à même de constater.