Page:Henri IV - Lettres Missives - Tome1.djvu/272

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

nitez ou retardemens de justice sont cause de la continuation des maulx et miseres qu’on voit par deçà, chascun se licenciant d’un costé et d’aultre à malfaire. La volerie et meurdre du commandeur de Cours provient de là, comme aussi les meurdres qui se font en Perigord aussi frequens que tous les jours. Les srs de Poillac et Fontperives et quinze ou seize aultres tant capitaines, soldats que habitans des villes, où ceulx de la Religion ont quelque seure retraite, ont esté n’agueres tuez par les champs, allant pour leurs affaires ; et les juges des lieux sont negligens d’en faire information. Monsr de Bourdeilles[1] est chef [d’une ligue], par laquelle les catholiques ont juré de tuer aultant de ceulx de la Religion qu’ils en rencontreroient. On met garnisons, on leve contributions, la justice n’est point remise au siege de Perigueulx ainsy qu’il a esté arresté par la conferance. Mes maisons de Montignac et Nontron[2] au dict pays me sont tousjours destenues et occupées, quelque paix et execution d’edict qu’il y ait. Je tiens la main à la paix tant que je puis, mais, pour ce regard, je n’en jouis aulcunement. Cependant les deffiances, qui estoient presque levées partout, sont augmentées ; et beaucoup publient que la justice ne se rendra non plus à ceulx de la Religion que auparavant, et que ceste paix sera semblable aux precedentes, de quoy l’impunité et l’inegale distribution de justice sont la principale occasion. Quant à mon particulier, je n’ay peu, quelque commendement qu’il vous ait pleu faire, avoir aulcune assignation de ma pension, ores qu’il y ait quelques considerations en moy qui ne sont pas en beaucoup d’aultres, qui toutes fois sont mieulx traitez que je ne suis, et qui n’ont pas le moyen avecques la volonté de vous faire le trez humble et trez fidelle service que je vous rendray toute ma vie, n’ayant aultre plus grand desir que

  1. André de Bourdeilles, comte de Matha, frère aîné de Brantôme, était fils de François, vicomte de Bourdeilles, et d’Anne de Vivonne de la Châteigneraye. Il naquit vers 1519, fut successivement panetier du Roi, gentilhomme de sa maison, chevalier de son ordre, capitaine de cinquante hommes d’armes des ordonnances, chambellan du duc d’Alençon, conseiller privé, et, en 1572, sénéchal du Périgord. Il mourut en janvier 1582.
  2. Voyez la lettre du 6 juillet 1578, Ire.