Page:Henri IV - Lettres Missives - Tome1.djvu/341

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affligé ; et je sçay aussy les labeurs qu°avez supportez, nonobstant vostre aage et indisposition, pour y remectre le repoz et y establyr une paix, de laquelle pensans joyr et esperans qu’elle seroit executée, nous n’avons eu que l’aparence et l’imagination, qu’une feintyse, une longueur, une mauvaise volunté des principaulx officiers et de la Justice, suivye de tant de contraventions et de tant de mauvais effects, qu’il nous a esté impossible de subsister plus longuement en l’estat où nous estions, plus penible beaucoup pour moy et plus miserable à noz esglises que n’a jamais esté la guerre. Dont j’ay faict, en leur nom, plusieurs et diverses plainctes, par trois ou quatre personnages de qualité que j’ay envoyé, exprès devers Leurs Majestez, sans que nous en ayons pu obtenir aucune raison, remede ni justice, en me souvenant, Monsieur mon Oncle, vous en avoir aussy escrit et m’en estre plainct à vous. De sorte que par contraincte et pressez de necessité, à mon grand regret, nous sommes revenuz à nostre premier malheur, lequel je n’ay point recherche que pour une juste deffense de la prise de Montagu[1]. Il ne la fault trouver estrange. Ce qui a esté pris et usurpé sur moy ne m’a encor esté rendu, comme mon chasteau de Montignac, le comté de Perigord et vicomté de Limoges, mon chasteau de Nontron, qui sont detenuz y a plusieurs années, mon chasteau de Puy-Normand, surpris depuis cinq ou six mois, les entreprises et surprises qu’on a voulu generalement faire sur tout ce qui m’appartient et sur ce que ceulx de la Religion tiennent. Dont j’ay faict une sommaire declaration à messieurs de la Noblesse[2], laquelle je vous envoye, attendant une plus ample et particuliere que j’espere verrez bientost. Ce pendant je ne doubte point que ceulx de Montagu ne facent la guerre et qu’on ne la leur face aussy. Mais s’il

  1. D’Aubigné a consacré un chapitre entier à la prise de cette ville par un capitaine protestant nommé de Pommiers. Lui-même ne fut pas étranger aux circonstances assez bizarres de cette prise. (Voyez l’Histoire universelle, t. II, l. IV, chap. VI.) Montaigu, petite ville du bas Poitou, alors très-forte, est aujourd’hui un chef-lieu de canton du département de la Vendée.
  2. Voyez ci-dessus, lettre du 15 avril 1580.