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[1581. — mars.] — Ire.

Orig. autographe. - Biblioth. impér. de Saint-Pétersbourg, Ms. 914, lettre n° 31. Copie transmise par M. Allier, correspondant du ministère de l’Instruction publique.


AU ROY, MON SOUVERAIN SEIGNEUR.

Monseigneur, Je loue Dieu de vostre bonne santé et le prye vous la continuer longuement. Je croy que le plaisir qu’aurés receus à Paris ce caresme-prenant, vous aura plus faict de bien que toutes ces medecines[1]. Nous passons icy[2] le temps au mieux qui nous est possible. Mais c’est en establissant la paix, ainsy que vous dira monsr de Villeroy[3], qui sçait comme Cahors a esté remys avec toute la douceur et obeissance possible[4]. Nous paracheverons, Dieu aydant, avec

  1. Comme il était dans les habitudes très-connues de Henri III de prendre une large part des amusements du carnaval, le roi son beau-frère suppose qu’il avait ainsi passé les jours gras. Mais l’Estoile nous apprend que les précautions de régime auxquelles Henri III s’astreignit, et qu’on appelait alors une diète, durèrent depuis le 18 janvier jusqu’au commencement de mars. Il quitta seulement alors Saint-Germain pour revenir à Paris, où il célébra le carnaval, le dimanche 5 mars, « tout ainsi qu’en un jour de caresme prenant, pour ce que c’estoit le dimanche de la mi-caresme. »
  2. C’est-à-dire à Nérac. La reine Marguerite, dans ses Mémoires, fait un agréable tableau de la vie qu’elle mena dans cette résidence, de 1572 à 1582. « ... Nostre cour estoit si belle et si plaisante, que nous n’envïons point celle de France ; y ayant madame la princesse de Navarre, sa sœur, et moy avec bon nombre de dames et filles ; et le Roy mon mary estant suivy d’une belle trouppe de seigneurs et gentilshommes, aussi honnestes gens que les plus galans que j’aye veu à la cour ; et n'y avoit rien à regretter en eux, sinon qu’ils estoient huguenots. Mais de cette diversité de religion il ne s’en oyoit point parler ; le Roy mon mary et madame la princesse sa sœur allants d’un costé au presche, et moy et mon train à la messe, en une chapelle qui est dans le parc, d’où, comme je sortois, nous nous rassemblions pour nous aller promener ensemble, en un tres beau jardin....... et le reste de la journée se passoit en toutes sortes d’honnestes plaisirs,le bal se tenant d’ordinaire l’apres-disnée et le soir. » Pages 163, 164 de la nouvelle édition.
  3. Ce ministre avait été envoyé, dès le mois de mai 1580, auprès du duc d’Alençon, et était probablement resté pour l’aider des conseils de son expérience jusqu’à l’entier établissement de la paix de Fleix.
  4. La reddition de cette ville était une des premières conditions que la cour avait exigées, en autorisant Monsieur à préparer la paix avec le roi de Navarre.