Page:Henry - Les Littératures de l’Inde.djvu/55

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au monisme panthéistique, dans l’upanisad ou « leçon intime », produit suprême de la réflexion dissolvante de l’âge brahmanique. Qu’on se représente, moins la rigueur de la méthode syllogistique, la Somme de S. Thomas qui se clorait par les Principes de Spinoza : c’est assez l’impression que produit un Brâhmana suivi de son Upanisad ; mais telle est la largeur ou l’indifférence de la pensée religieuse de l’Inde, que ce premier et parfois sublime balbutiement de la négation philosophique passe pour le dernier mot de l’orthodoxie.

Le Sûtra, dont la langue c’est déjà presque plus védique, est un ouvrage à part, un catéchisme sans demandes comme l’Inde seule sans doute en a connu. Quand la liturgie fut devenue trop touffue ou la mémoire plus rebelle, on éprouva le besoin de fixer les règles, et on le lit sous forme de versets courts et prégnants, qui se suivent en se commandant ou s’amendant les uns les autres, en un tel enchevêtrement qu’une glose savante et continue suffit à peine à en donner la clef. Les Sûtras — il y en a autant que d’écoles védiques — forment ainsi une mnémotechnie infiniment concise, soit de la liturgie du grand Culte (kalpa), soit de celle des menues pratiques quotidiennes el sacrements domestiques (grhya) : tel verset d’un seul mot y vaut une page de prescriptions ; un monosyllabe, — « et », « ou », — peut enfermer un monde de significations variées. Une fois le procédé soûtrique créé