Page:Henry - Lexique étymologique du breton moderne.djvu/30

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
XXIV
INTRODUCTION

nères, on pourrait peut-être le trouver dans l’extrême fréquence de la métathèse consonnantique. La métathèse se rencontre dans toutes les langues, et de préférence dans les moins cultivées : elle n’a manqué, ni au cymrique, ni surtout, semble-t-il, au cornique ; mais en breton elle foisonne. Dès les premières pages du lexique, on trouvera des formes telles que alan pour *ana(z)l, aṅsaô pour *azanv, beulké pour *beuglé, etc., qui témoignent en faveur d’une sorte d’instabilité consonnantique et de fréquentes « fautes de langage » dans un parler populaire dialectalement morcelé sans qu’aucune littérature centrale intervînt pour le fixer ; et les nombreux doublets du type gwesklé et gloesker « grenouille », gwéstl et gloestr « gage », etc., paraissent bien relever du même principe. On les retrouvera en leur lieu.

Accessoirement, on notera en breton une forte tendance à l’introduction de nasales parasites, surtout dans les mots récents et empruntés, tels que ampart, beṅtonik, diṅs, puṅs, bouṅta, toṅka, et tant d’autres. Dans bien des cas, comme dans ce dernier, il a pu y avoir confusion de deux quasi-homonymes. Mais la généralité de la tendance doit s’expliquer par une cause plus générale, à savoir la chute phonétique de la nasale dans les mots où elle était étymologique : l’existence de doublets dialectaux du type de kréṅv et kréff « fort », klaṅv et klaff « malade », etc., a dû entraîner, par voie de conséquence presque nécessaire, l’insertion fautive de la nasale préconsonnantique dans bien des mots qui ne la comportaient pas et qui, n’étant pas indigènes, se défendaient mal contre cette altération.

À part ces traits, le breton ne se distingue du cornique et du cymrique que par une particularité tout extrinsèque : l’énorme appoint de mots français qu’il a accueillis et naturalisés, avant peut-être et surtout depuis le double mariage d’Anne de Bretagne. Le comble en ce genre est atteint, de nos jours, par ce qu’on pourrait nommer « le breton politicien », langue de journalisme et de profession de foi où, sauf les copules, les désinences grammaticales et de loin en loin quelques mots de la langue usuelle, pas un élément ne relève plus