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« Nous, Jean-Baptiste Marelli, conseiller du Roy, sénateur au souverain Sénat de Savoye et abbé commendataire de Notre-Dame d’Autecombe, étant deûment informé de la capacité, bonnes mœurs et vie exemplaire de Révérend dom Philibert Guichon, religieux profez de notre abbaye d’Autecombe, en vertu du droit de patronage à nous confié par le Roy en qualité d’abbé de laditte abbaye, — Nous avons nommé, créé et étably comme par les précédentes, nous le nommons, créons et établissons au lieu et place de Révérend dom Gojon, décédé l’année dernière, pour sacristain, pendant sa vie durant, en notre sacristie de Saint-Innocent avec les mêmes honneurs, droits et prérogatives, ainsy et comme en ont joui ou deû jouir les précédents sacristains, ordonnant à ces fins à nos fermiers d’à présent et a venir de Saint-Innocent de luy payer annuellement du jour que le Révérend dom Guichon nous a fait conster l’enregistrement des présentes dans l’archive du souverain Sénat de Savoye, étant nécessaire pour la conservation des droits de notre ditte abbaye, la pension et prébende accoutumée, sans quoy nous déclarons les présentes nulles, de nulle valeur et sans effet. En foi de quoy nous avons signé les présentes à Chambéry, ce trente mars mille sept cent et vingt.

« L’abbé d’Autecombe, Marelli[1]. »

La transaction de 1709, passée en dehors de la participation de l’abbé de Tamié, vicaire-général de l’ordre de Cîteaux en Savoie et visiteur ordinaire de l’abbaye d’Hautecombe, ne fut point acceptée par ce dernier. Les religieux s’unirent à lui pour la faire annuler. Arsène de Jouglas écrivit au roi et à un membre du Sénat, en 1716. Il rappelait dans ces lettres que l’abbé Marelli invoquait en sa faveur les nominations qu’il avait faites. La première était celle d’un religieux envoyé à Saint-Innocent pour desservir la sacristie ; or, ce religieux avait été chassé à cause de ses scandales, par ordre de la cour. La seconde était celle d’un novice reçu dans la communauté d’Hautecombe, qui apostasia peu après sa profession et vivait « parmy les Suisses, après avoir abandonné la foy et la religion, »[2] Voila, ajoutait-il, à quoi on s’expose quand on ne suit pas la voie régulière et que le choix des novices et des officiers sera au pouvoir d’un commendataire.

L’abbé de Tamié agissait ainsi en conformité de sentiment avec son supérieur l’abbé de Clairvaux. La lutte était vive ; de part et d’autre on gardait peu de ménagements. Marelli, dans un écrit, avait défendu avec opiniâtreté ses prétentions, en prêtant à l’abbé de Clairvaux des intentions malveillantes et hostiles à l’autorité politique de Victor-Amédée II. Il lui fut répondu par un mémoire imprimé, intitulé : Observations pour le Très Révérend abbé de Clairvaux, père immédiat de l’abbaye d’Hautecombe, sur le factum de Messire Jean-Baptiste Marelli, où les prétentions de ce dernier étaient combattues avec une énergie agressive.

De leur côté, les religieux d’Hautecombe prirent des lettres-royaux et s’adressèrent aussi directement au souverain, lui demandant d’annuler l’acte de 1709, comme lésif de leurs droits et consenti par le prieur Deperès dans l’ignorance des prérogatives de la communauté. Victor-Amédée renvoya l’affaire au Sénat pour la régler « sans autre que sur la remontrance du procureur général[3].

  1. Registre ecclésiastique, vol. III, f° 101.
  2. Archives de Cour, Abb., t. II.
    Nous en donnons des extraits aux Notes additionnelles, n° 7.
  3. Registre ecclés. du Sénat, t. II, p. 127.