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L’abbaye de Tamié, première fille de la Trappe par l’adoption des constitutions de Rancé, que l’abbé de Somont y introduisit, conserva toujours une autorité morale sur les maisons cisterciennes de Savoie. Outre le noviciat, elle possédait encore une autre prérogative importante.

Depuis fort longtemps, son abbé était le vicaire général du chef de l’Ordre en Savoie et visiteur général de tous les monastères de cette province. Déjà, en 1627, Charles-Emmanuel II, écrivant au Sénat, affirmait que, depuis un temps immémorial, l’abbé de Tamié jouissait de ce privilège. Les souverains, pour le lui faire maintenir, avaient uni leurs efforts aux décisions du Sénat. En 1641, l’abbé de Cîteaux, ayant nommé Félix Bron, prieur d’Aulps, vicaire et visiteur général en Savoie, ne put faire obtenir à ce religieux l’entérinement des lettres de nomination ; la haute Cour de justice s’y refusa, se fondant sur ce que les différentes provisions et établissements de vicaires généraux en faveur des abbés de Tamié justifiaient la possession immémoriale dans laquelle ils étaient de cette dignité[1].

Aussi, l’abbaye d’Hautecombe recevait régulièrement sa visite ; malheureusement, elle ne suivit point ses conseils ni son exemple. Nous devons cependant observer que, malgré son relâchement, elle ne donna point lieu à ces reproches graves, à ces odieuses traditions que d’autres monastères ont laissés après eux. On se départit peu à peu de la règle primitive ainsi que la plupart des autres communautés ; au lieu de suivre l’austérité des premiers cisterciens, on vivait comme des séculiers, pieux du reste, mais qui ne croient pas devoir garder le silence perpétuel, s’abstenir d’aliments gras, se lever la nuit, pour gagner le ciel. Combien de personnes, vivant dans le

  1. Registres ecclés., t. XIX, p. 248.