Page:Hobbes - Œuvres philosophiques et politiques (trad. Sorbière), 1787.djvu/149

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mais les hommes ont presque tous ce mauvais génie, qu’à peine estiment-ils qu’une chose soit bonne, si celui qui la possède n’en jouit de quelque prérogative par-dessus ses compagnons, et n’en acquiert quelque degré d’excellence particulière. En troisième lieu, les animaux privés de raison ne voient ou ne s’imaginent pas de voir quelque défaut en leurs polices : mais en une république, pour si petite qu’elle soit, il se trouve toujours diverses personnes qui croient savoir plus que les autres, qui abondent en leur sens, et qui, par leurs innovations, font naître les guerres civiles. En quatrième lieu, quoique les bêtes aient quelque petit usage de la voix pour exprimer leur passions entre elles ; si est-ce qu’il leur manque cet art du discours, si nécessaire pour exciter dans l’âme les troubles et les tempêtes.


Elles ne savent pas représenter le bien et le mal plus grands qu’ils ne sont en effet. Mais l’homme a une langue, qui est, à dire le vrai, une trompette de sédition et une allumette de la guerre ; ce qui a fait dire à quelqu’un, en parlant de Périclès, qu’il tonnait, qu’il foudroyait et qu’il mettait toute la Grèce en combustion par ses haran­gues. En cinquième lieu, les bêtes ne font point de distinction entre les injures et les dommages, c’est pourquoi elles laissent leurs compagnons en repos, pourvu qu’ils ne fassent rien qui les incommode. Mais parmi les hommes, les plus grands perturba­teurs de la tranquillité publique, sont ceux