Page:Hobbes - Œuvres philosophiques et politiques (trad. Sorbière), 1787.djvu/280

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IX. De toutes les choses du monde, il n’y en a aucune qui abatte davantage l’esprit des hommes, et qui leur cause de plus sensibles déplaisirs, que la pauvreté ; soit qu’elle fasse manquer de commodités nécessaires à l’entretien de la vie, ou qu’elle soustraie celles qui servent à soutenir le rang et la dignité des conditions. Et bien qu’il n’y ait personne qui ne sache que les moyens se doivent acquérir par l’industrie et se conserver par le bon ménage ; toutefois, il est ordinaire à ceux qui se trouvent dans la disette de rejeter sur le mauvais gouvernement de l’État la faute de leur fainéantise et de leur prodigalité, comme si les malheurs du temps et les trop grandes exactions publiques étaient cause de leur misère particulière. Cependant les hommes doivent considérer, que non seulement ceux qui n’ont aucun patrimoine, sont obligés de tra­vailler pour vivre, mais aussi de combattre pour avoir le moyen de travailler. Quand les Juifs, du temps d’Esdras, rebâtissaient les murailles de Jérusalem, ils avaient la truelle en une main et l’épée en l’autre. Ainsi en toute sorte d’État, il faut penser que la main qui tient l’épée est le roi, ou la cour souveraine, et qu’elle ne doit pas moins être nourrie que celle dont chaque particulier bâtit sa fortune privée. Or, que sont autre chose les impôts et les tributs, que le salaire de ceux qui sont en armes, et qui veillent pour la tranquillité publique, de