Page:Hobbes - Œuvres philosophiques et politiques (trad. Sorbière), 1787.djvu/60

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un animal politique, [en grec dans le texte] selon le langage des Grecs, né avec une certaine disposition naturelle à la société. Sur ce fondement-là ils bâtissent la doctrine civile ; de sorte que pour la conservation de la paix, et pour la conduite de tout le genre hu­main, il ne faut plus rien sinon que les hommes s’accordent et con­vien­nent de l’obser­vation de certains pactes et conditions, auxquelles alors ils donnent le titre de lois. Cet axiome, quoique reçu si communément, ne laisse pas d’être faux, et l’erreur vient d’une trop légère contemplation de la nature humaine. Car si l’on considère de plus près les causes pour lesquelles les hommes s’assemblent, et se plaisent à une mutuelle société, il apparaîtra bientôt que cela n’arrive que par acci­dent, et non pas par une disposition nécessaire de la nature. En effet, si les hommes s’entr’aimaient naturelle­ment, c’est-à-dire, en tant qu’hommes, il n’y a aucune raison pourquoi chacun n’aime­rait pas le premier venu, comme étant autant homme qu’un autre ; de ce côté-là, il n’y aurait aucune occasion d’user de choix et de préférence. je ne sais aussi pour­quoi on converserait plus volontiers avec ceux en la société desquels on reçoit de l’honneur ou de l’utilité, qu’avec ceux qui la rendent à quelque autre. Il en faut donc venir là, que nous ne cherchons pas de compagnons par quelque instinct de la nature ; mais bien l’honneur et l’utilité