Page:Hobbes - Léviathan - Tome I.djvu/23

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À notre époque, il est courant d'entendre professer que la recherche des causes génératrices des phénomènes ne saurait intéresser la science. Ceux qui soutiennent cette opinion s'autorisent peut-être d'une phrase d'Auguste Comte où il est dit qu'en poursuivant les causes génératrices « nous ne ferions jamais que reculer la difficulté ». Mais est-ce déjà si peu de choses que reculer la difficulté ! Et que faisons-nous de plus chaque fois que nous résolvons un problème, puis-qu'il est bien entendu que le champ de nos spéculations ne saurait être sans limites. Lorsque l'on parle de poursuivre la génération des phénomènes, il ne pourrait en effet être question de vouloir remonter de cause en cause jusqu'à des causes premières dont la recherche ne saurait en effet appartenir à la Science, sans l'ombre possible d'une discussion, mais bien tout simplement de déterminer leurs causes efficientes immédiates, et, il ne saurait davantage être question d'envisager ces dernières comme les agents effectifs d'un mécanisme existant en dehors de nous, mais bien seulement comme les représentations des conceptions qui expriment les relations que nous voyons entre les faits élémentaires que notre cerveau élabore aux dépens de nos perceptions.

Nous ne pouvons imaginer le monde autrement que comme s'il y avait des causes (c'est la forme même de l'entendement humain), et sans prétendre que ces causes existent en fait, qu'elles existeraient s'il n'y avait pas de cerveaux humains pour les concevoir, sans même vouloir examiner la question de leur existence propre, nous devons reconnaître que, pour notre esprit, tout se passe comme si elles existaient. Hobbes est donc ici dans la note juste : la Science étant un produit de