Page:Hoefer - Biographie, Tome 26.djvu/425

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re avoit nom ; et je li diz — que il avoit nom mon. — Et il me dit comment je le savoie? et li diz que je en cuidois estre certain et le soie fermement , pour ce que ma mère l’ait tesmoigné. — « Donc vous devez croire rmernent tous les articles de la foy, lesquiex apostres tesmoignent aussi, comme vous ez chanter au dymanche en la Credo. » « Le roi m’appela un soir, et me dist : « Je n’ose rier à vous pour le soutilsens dont oyez vous tes, de chose qui touche à Dieu ; et pour ce je appelé ces frères qui cy sont, que je vous il faire une demande. » — La demande fut le : « Seneschal, fîst-il, quelle chose est eu? « — Et je li diz : « Sire, ce est si bonne ose que meilleur ne peust estre. » — « Vraieent, fist-il, c’est bien respondre (1). » Le naturel du style et l’enjouement d’esprit Joinville conviennent si bien à sa narration, ’on croit en lisant ses Mémoires assister en elque sorte à ses entretiens avec le roi , qui, reconnaissant un soutïl sens , se plaisait souflt à le mettre aux prises avec son confesseur )bert de Sorbon, le célèbre fondateur de la < irbonne. Souvent même, lorsque la discussion ) mimait , le roi s’amusait à prendre le parti de I n confesseur, puis s’en excusait auprès de I inville, avouant que son confesseur avait tort; B ais je le voyois si esbahi , lui disait le roi pour Isxcuser, que il avoit bien mestier que je Vy % dasse. Voici comment un jour Joinville contidit son pieux adversaire. « Mestre Robert de » :rbon, dit Joinville, me prit par mon mantel I me mena au roi , et tous les autres chevaliers I arent après nous. Lors je demandai à mestre ( abert : Mestre Robert, que me voulez-vous ? - Et me dist : Je vous veux demander si | roi se seoit en cest pré , et que vous alliez seoir |ir son banc plus haut que lui, si on vous en

îvroit bien blasmer. — Et je lui dis que oui.

’■ - Et il me dit : Donc faites-vous bien à blasmer nand vous estes plus noblement vestu que le )y ; car vous vous vestez de vairet de vert, ce uele roi ne faist pas. — Et je lui dis : Mestre obert, salve votre grâce, je ne fois mie à lasmer si je me vest de vair et de vert, car est abit me lessa mon père et ma mère ; mais ous faites à blasmer, car vous estes filz de ilain et de vilaine, et avez laissé l’abit de (1) Joinville recevait aussi les confidences du légat de <ome, et c’est par lui qu’il fut informe de la résolution lue prit le roi de quitter la Terre Sainte. Alors, dit Joinville, « ce légat mit mes deux mains dans es siennes, et commença à pleurer moult abondamment, et, quand il put parler, il me dit : — Sénéchal, je >uis moult joyeux, et jen rends grâce à Dieu de ce lue le roi et les autres pèlerins échappent du grand ht’iI là ou vous avez esté en cette terre; tuais je suis Boult péné de ce qu’il me faudra laisser vos saintes compagnies et aller à la cour de Rome, parmi ces déloyales gens qui y sont. Mais je vous dirai ce que je pense faire : je demeurerai ici :m an après vous, et dépenserai tous mes deniers à fortifier la place d’Acre: par là je leur montrerai tout clair que je n’emporte point d’argent, en sorte qu’ils me laisseront en paix. » vostre père et voslre mère, et estes vestu de plus riche camelin que le roi n’est. — Et lors je pris le pan de son surcot et du surcot du roi, et lui di : Ores esgardez ce je diz voir (vrai). Et le roi entreprist à défendre mestre Robert de paroles de tout son pooir (pouvoir). » Cet autre récit n’a ni moins d’enjouement ni moins de charme. «■ Ayant prié le roi de me permettre un pèlerinage à Tortose., parce que c’est le premier autel qui oneques fut fait en l’honneur de la Mère de Dieu sur terre, et que Nostre-Dame y faisoit grands miracles , le roi me donna congié d’y aller, et me dit de acheter cent camelins de diverses couleurs pour donner aux Cordeliers quand nous viendrions en France. Le prince de Tripoli ( Boemond ) , que Dieu absolve , nous fist grand’ joie et aussi grand honneur qu’il put, et eust donné à moi et à mes chevaliers grands dons ; mais nous ne voulsismes rien prendre , si ce n’est des reliques, lesquelles j’apportai au roi avec les camelins que je lui avois achetés. » — J’envoyai à Madame la royne quatre camelins , et le chevalier qui les porta les porta entortillés en une toile blanche. Quand la royne le vit entrer dans la chambre où elle estoit, si s’agenoilla contre lui, et le chevalier se ragenoilla contre elle aussi, et la royne lui dit : — Levez-vous , sire chevalier ; vous ne vous devez pas agenoiller, qui portez les reliques. » Mais le bon chevalier dit : — Dame, ce ne sont pas reliques, mais bien camelins que mon seigneur vous envoyé. — Quand la royne ouït cela et ses demoiselles, si commencèrent à rire ; et la royne dit au chevalier : Dites à vostre seigneur que mal jour lui soit donné, quand il m’a fait agenoiller contre ses camelins. »

Malgré toute sa déférence et tout son dévouement pour le roi, Joinville, quand il était dans son droit, ne craignait pas de lui résister, et dans une circonstance où l’honneur de sa troupe était engagé, il osa menacer le roi de quitter son service si justice ne lui était pas rendue (1). Joinville se plaît à raconter les beaux faits d’armes , mais sans exagération , et ne vante jamais les siens, dont il parle simplement et presque malgré lui. Dire du mal d’autrui n’est pas dans sa nature. C’est ainsi que, dans le récit de la bataille de la Massoure , il dit : « Il y eut (1) Voici son récit : « Un sergent du roi, qui avoit nom Coulu.mit la main sur un chevalier de ma bataille ; je m’en allay plaindre au roy. Le roi nie dist que je m’en pouvois bien souffrir, que son sergent n’avoit fait que bouter (pousser) mon chevalier, et je lui dis que je ne m’en souffrirois jà ; et s’il ne me faisoit droit, je lerrois son service, puisque ses sergens batteroient mes chevaliers. Il me fist faire droit , et le droit fut tel , selon les usages du pays, que le sergent vint en ma héberge (quartier) déchaux et en braies, sans plus, une espée toule nue à la main , et s’agenoilla devant le chevalier, et lui dist : — Sire, je vous amende ce que je mis main à vous; et vous ai apporté ceste espée, pour ce que vous me coupiez le poing, se il vous plaist. — Et je priai au chevalier que il lui pardonnast son mal-talent; et si « fit-il. »