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tabaraud (Matthieu-Mathurin), controversiste et littérateur français, né à Limoges, en 1744, mort dans la même ville, le 9 janvier 1832. Il était fils d’un orfèvre. Élevé par les jésuites de sa ville natale, il ne fut jusqu’en philosophie qu’un écolier ordinaire ; cependant il ne faut pas chercher dans les férules qu’il reprochait plus tard à ses premiers maîtres la cause de l’animosité qu’il manifesta si souvent contre eux ; la rivalité des oratoriens et des jésuites, le jansénisme dont il fut un dernier champion, attaqué si vivement par ces derniers, enfin, son humeur guerroyante expliquent surabondamment cette conduite. Les directeurs du séminaire de Saint-Sulpice, où il entra en 1764, s’effrayant de son indiscipline, l’engagèrent bientôt à se retirer, et il passa chez les oratoriens. Destiné à l’enseignement, il professa les belles-lettres à Nantes, la théologie, le grec et l’hébreu à Arles et, en 1773, à Lyon, où il travailla à la rédaction de la Philosophie de Lyon, dont était chargé le P. Valla. En 1783 il devint supérieur du collège de Pézenas, et en 1787 de celui de La Rochelle. Quoique sincère catholique, il prit contre un mandement de l’évêque /a défense de l’édit qui venait d’être rendu en faveur des protestants. Au commencement de la révolution Tabaraud était supérieur de la maison de l’Oratoire à Limoges. Cette célèbre congrégation se sépara en deux. Les uns demandèrent des réformes, et se mirent en rapport avec le comité ecclésiastique de l’Assemblée constituante ; les autres ne voulurent se prêter à aucune modification, et combattirent les projets des novateurs. Tabaraud se rangea parmi les derniers, et publia, le 27 juillet 1790, une Lettre au P. R. qu’il terminait en ces termes. « Quand on a lutté toute sa vie contre le despotisme, quand on n’a jamais marché dans la route de l’ambition, quand on a justifié dans nombre d’occasions combien peu l’on tient aux places, sans doute que l’on a des titres pour réclamer le maintien des formes légales en faveur de cette même autorité dont on a eu le courage de combattre les abus au péril de sa propre tranquillité. » Daunou, qui figurait dans les rangs opposés, publia une réponse à cette lettre, dans un ouvrage périodique qui se publiait alors sous le titre de Bulletin des patriotes de l’Oratoire.

Tabaraud ne prêta pas serment à la constitution civile du clergé, et il combattit dans un écrit l’élection des évêques par le peuple. Il n’en fallait pas davantage pour l’exposer à des persécutions. Après les journées de septembre, il passa en Angleterre. Pendant son séjour à Londres, il vit les évêques qui y avaient émigré, travailla à plusieurs journaux, notamment au Times, à l’Oracle, à l’Anti-jacobin, et composa plusieurs ouvrages. Il profita de la conclusion du concordat pour rentrer en France (1802). Il s’était retiré à Limoges. Son premier acte y fut celui d’un véritable prêtre. Usant de l’influence qu’il avait acquise sur l’esprit de M. d'Argentré, ex-évêque de cette ville, il l’amena à retirer sa protestation contre M. Dubourg, le remplaçant qui lui avait été donné ; ce fut dans le même esprit de concorde qu’il s’efforça de concilier au nouveau prélat les laïques et les ecclésiastiques qui lui étaient hostiles. Bientôt un incident, qui paraissait avoir peu d’intérêt pour Tabaraud, inspira à M. Dubourg de la défiance contre lui, Saint-Pierre de Limoges, réputée jusque-là première paroisse du diocèse, était menacée de devenir simple succursale. Pour l’empêcher l’ex-oratorien ameuta tous les paroissiens de Saint-Pierre ; puis il publia sur les Interdits de célébrer la messe (1803), une brochure contre l’admmistration diocésaine. Tabaraud commença dès lors à écrire les ouvrages qui ont assuré sa célébrité ; ils sont tous empreints d’un esprit de gallicanisme qui attira à leur auteur de nombreuses querella, dont son esprit ardent fut loin de se décourager. Son ancien confrère Fouché lui proposa, dt-on, de le faire nommer évêque sous l’empire, ce qui nous paraît douteux, et dans tous les cas, il aurait eu le bon esprit de ne pas accepter une position qui convenait si peu à son caractère. Mais si Fouché ne put faire de Tabaraud un évêque, il en fit, en 1811, un censeur, chargé spécialement d’examiner les livres de théologie.

De tous les ouvrages de Tabaraud, celui qui fit le plus de bruit est celui qui porte le titre de Principes sur la distinction du contrat et du sacrement du mariage (1803) ; la première édition était une simple brochure, qui ne produisit guère de sensation. Mais lorsqu’il en donna une seconde, A. Dubourg, évêque de Limoges, lança contre lui, le 18 février 1818, une sentence de condamnation. Il y avait établi la distinction admise par un grand nombre d’anciens jurisconsultes, canonistes français, entre le contrat de mariage et la bénédiction nuptiale ; distinction en opposition avec la doctrine de la cour de Rome, sans cesse renouvelée et qui vient de l’être encore dans l’Encyclique du 8 décembre 1864. Tabaraud n’était pas homme à reculer,


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