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Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/103

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cet ange d’innocence : Desgrais et ses gens lui firent horreur. — Un bruit sourd se fit entendre dans l’escalier. On emportait le cadavre de Cardillac. Prenant une prompte résolution, mademoiselle de Scudéry s’écria à haute voix : « J’emmène la jeune fille avec moi, vous songerez au reste, Desgrais ! » Un sourd murmure d’approbation accueillit ces paroles. Les femmes soulevèrent Madelon dans leurs bras, cent mains se dressèrent pour les aider, chacun se pressait à l’entour, et la jeune fille, ainsi soutenue en l’air, fut déposée dans le carrosse, pendant que les bénédictions pleuvaient sur l’honorable dame qui dérobait l’innocence au tribunal de sang.

Les soins de Fagon4, le médecin le plus habile de Paris, parvinrent à rappeler Madelon à la vie, au bout d’une syncope qui dura plusieurs heures. Mademoiselle de Scudéry acheva la guérison commencée par le docteur, en faisant luire dans l’âme de la jeune fille quelques rayons de douce espérance ; et des torrents de larmes vinrent enfin soulager son cœur oppressé. Pourtant ce ne fut qu’à différentes reprises qu’elle put raconter tout ce qui s’était passé ; car chaque fois sa voix était étouffée par les sanglots que lui arrachait l’excès de sa douleur.

« Elle avait été réveillée à minuit par de légers coups frappés à la porte de sa chambre, et elle avait reconnu la voix d’Olivier, qui la suppliait de se lever promptement, parce que son père était à l’agonie. Elle s’était levée saisie d’effroi et avait ouvert sa porte. Olivier, pâle et défait, baigné de sueur, une lumière à la main, s’était dirigé vers l’atelier en