Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/104

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chancelant, et elle l’avait suivi. Là, son père était étendu, les yeux fixes, et luttant contre le râle de la mort. Elle s’était jetée sur lui en sanglotant, et c’était alors seulement qu’elle avait remarqué sa chemise ensanglantée. Olivier l’avait doucement écartée, et puis il avait entrepris de laver et de panser avec du vulnéraire la blessure que le vieillard avait reçue au sein gauche. Celui-ci, pendant cette opération, avait recouvré ses sens, et, le râle ayant cessé, après avoir jeté sur elle et sur Olivier ensuite un regard plein de tendresse, il avait pris sa main, l’avait mise dans celle d’Olivier, et les avait serrées ensemble avec force. Olivier et elle étaient tombés à genoux près de la couche de son père ; il avait essayé de se redresser avec un gémissement douloureux, mais il était retombé aussitôt pour exhaler un long et dernier soupir.

» Alors tous les deux s’étaient abandonnés aux pleurs et à la désolation. Olivier lui avait raconté que son maître avait été tué en sa présence dans une course nocturne où il lui avait ordonné de le suivre, et comment lui, dans l’espoir qu’il n’était pas blessé mortellement, avait transporté avec une peine extrême ce lourd fardeau jusqu’au logis. Dès le point du jour, les voisins qui avaient été frappés pendant la nuit de ce bruit et de leurs sanglots, avaient pénétré chez Cardillac et les avaient trouvés encore agenouillés et se lamentant auprès du cadavre de son père. Alors on s’était mis en émoi ; la maréchaussée était arrivée, et Olivier avait été trainé en prison comme étant l’assassin de son maître. »