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Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/132

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s’emparent de moi. Comme fasciné par une influence magique, je ne puis m’empêcher de suivre à quelque distance ce spectre somnambule ; car c’est à cette nature de maladie que j’attribuais l’excursion de maître Réné, bien que ce ne fût pas le temps de la pleine lune, qui influe bien plus activement sur les personnes atteintes de ce singulier mal.

» Enfin Cardillac fait un détour, et je le perds de vue dans l’épaisseur des ténèbres. Mais, à une petite toux qui m’était bien connue, je découvre qu’il s’est arrêté sous une porte cochère. “Que signifie cela, que va-t-il faire ?” — Telles sont les questions que je m’adresse, au comble de l’étonnement, et en marchant serré tout contre les maisons. Bientôt un homme arrive en chantant et en fredonnant, avec un magnifique plumet à son chapeau, et des éperons retentissants. — Comme un tigre qui fond sur sa proie, Cardillac s’élance de sa cachette sur cet homme, qui tombe à l’instant même à terre en râlant. Je me précipite avec un cri d’horreur, Cardillac est penché sur l’homme terrassé. “Maître Cardillac ! que faites-vous ! m’écriai-je à haute voix. — Malédiction !” dit Cardillac en rugissant, et, prenant sa course avec la vitesse de l’éclair, il passe à mes côtés, et disparaît.

» Tout à fait hors de moi, pouvant à peine me soutenir, je m’approche de l’homme renversé, je m’agenouille près de lui, pensant qu’il est peut-être encore temps de le secourir ; mais il n’y a plus en lui le moindre signe de vie. Dans mon anxiété mortelle,