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Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/131

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plaintes, et parviendrait peut-être à me parler de sa fenêtre sans qu’on s’en aperçût ; et mille projets insensés, à l’exécution desquels j’espérais pouvoir la faire consentir, se succédaient et se croisaient dans mon esprit. — La maison de Cardillac, dans la rue Saint-Nicaise, touche à une haute muraille où sont des niches garnies de vieilles figures de pierre à moitié mutilées. Une nuit, j’étais tout près d’une de ces statues, regardant les fenêtres de la maison qui donnent sur la cour close par cette muraille. Tout à coup j’aperçois de la lumière dans l’atelier de Cardillac. Il est minuit : d’ordinaire Cardillac ne veillait jamais à cette heure ; il avait l’habitude d’aller se coucher à neuf heures sonnant. Mon cœur bat d’un inquiet pressentiment, je rêve qu’un événement inattendu me pourra frayer peut-être une entrée dans la maison. Mais la lumière disparait subitement. Je me presse involontairement contre la statue dans la niche, quand je me sens repoussé à mon tour comme si la statue fut devenue vivante. Je recule aussitôt glacé d’épouvante ; alors, aux pâles clartés de la nuit, j’aperçois la pierre qui tourne lentement, et de derrière elle sort une figure sombre, qui descend la rue d’un pas rapide. Je m’élance sur la statue, je la trouve comme auparavant adhérente à la muraille. Sans réflexion, et comme entrainé par une secrète puissance, je me glisse sur les traces de l’inconnu. Parvenu près d’une image de Notre-Dame, il regarde derrière lui, la lumière de la lampe, allumée devant la sainte6, éclaire en plein son visage : c’est Cardillac ! Une angoisse inexprimable, une horreur sinistre