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Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/139

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le bourdonnement d’une mouche qui vole. C’est ta mauvaise étoile qui t’a conduit à devenir mon complice. Oui, dans cet état de choses, tu ne peux plus maintenant avoir la tentation de me trahir. Ainsi donc tu peux tout savoir.

» — Jamais je ne serai ton complice, hypocrite, scélérat !” voulais-je m’écrier, mais la secrète horreur, qui m’avait saisi aux paroles de Cardillac, me comprima la gorge, et je ne pus faire entendre qu’un son inintelligible. Cardillac se rassit dans sa chaise de travail. Il essuya la sueur de son front ; il paraissait lutter contre un affreux souvenir, et s’efforçait de réprimer sa pénible émotion. Enfin il ouvrit la bouche, et parla en ces termes :

» “Des hommes éclairés, des savants, racontent beaucoup de choses des singulières impressions dont les femmes enceintes sont susceptibles, et de l’influence surprenante qu’exerce sur l’enfant ce genre d’impressions involontaires et énergiques. — On m’a raconté sur ma mère une aventure singulière. Dans le premier mois où elle était grosse de moi, elle alla voir, avec plusieurs autres femmes, une brillante fête de cour qui se donnait à Trianon. Là, ses regards tombèrent sur un jeune seigneur, vêtu à l’espagnole, qui portait à son cou une chaine de pierreries étincelantes et qui captivèrent soudain toute son attention. La possession de ce collier éblouissant lui parut en ce moment le bien suprême, et tout son être devint animé d’un sentiment indicible de convoitise. Or, ce même gentilhomme, plusieurs années auparavant, avait tendu des pièges à la vertu de ma