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Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/140

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mère, qui n’était pas encore marièe, et qui l’avait repoussé avec horreur. Elle le reconnut : mais alors, sous le feu des diamants scintillants de sa parure, il lui apparut comme un être d’une nature idéale, comme le type de la beauté absolue. Le cavalier remarqua les regards ardents et passionnés de ma mère. Il dut penser qu’il serait enfin plus heureux qu’autrefois ; il parvint à s’approcher d’elle, et même à l’attirer loin de ses amies, dans un lieu de rendez-vous écarté. Là, tandis qu’il la pressait avec transport dans ses bras, ma mère se hâta de saisir le merveilleux collier ; mais, au même moment, le gentilhomme tomba violemment à terre, en entrainant ma mère avec lui. Soit par l’effet d’un coup de sang, soit par un autre accident inattendu, bref, il était mort. — Ma mère fit de vains efforts pour s’arracher des bras du cadavre raidis et crispés par cette subite agonie, et, dans ses mouvements convulsifs, elle roulait par terre avec le mort, dont les yeux torves fixaient encore sur elle, sans la voir, des regards éteints. À la fin, ses cris prolongés de détresse frappèrent l’oreille de ceux qui passaient dans le voisinage, on accourut près d’elle, et elle fut délivrée de cette horrible étreinte d’amour.

» ”L’excès de la frayeur causa à ma mère une grave maladie, et l’on tenait pour assurées sa perte et la mienne. Cependant elle guérit, et son accouchement fut plus heureux qu’on n’eût jamais pu le supposer ; mais la terreur de cette scène lugubre avait réagi sur moi. Ma mauvaise étoile s’était levée, et avait fait jaillir l’étincelle qui devait allumer dans mon âme