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Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/14

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L’étranger s’inclina avec un sourire chagrin, et quitta, sans mot dire, la table elle salon de jeu.

Néanmoins, la nuit suivante, l’étranger avait repris sa place vis-à-vis du baron, qu’il pénétrait de son regard inflexible et perçant.

Cette fois le baron exaspéré éclata plus violemment : « Monsieur ! si cela vous amuse de me regarder, vous voudrez bien choisir un autre temps et un autre lieu, mais dans ce moment, je vous prie… »

Un geste désignant la porte tint lieu de la parole offensante que le baron s’abstint de prononcer.

Et comme dans la nuit précédente, l’étranger, s’inclinant avec le même sourire douloureux, sortit du salon.

L’excitation du jeu, celle du vin qu’il avait bu, et le souvenir de la scène avec l’étranger empêchèrent Siegfried de dormir. Le jour commençait à poindre, quand il vit, pour ainsi dire, apparaître devant lui le fantôme de cet étranger. Il lisait sur ce visage expressif, aux traits accentués, et abîmé par le chagrin, il retrouvait le regard sombre de ces yeux profondément creusés et cernés, et il ne pouvait s’empêcher de remarquer quelle noble contenance, en dépit d’une mise pauvre, trahissait l’homme d’un rang distingué. — Et puis cette résignation douloureuse de l’étranger à ses dures paroles, et sa disparition passive du salon malgré la violence qu’il semblait faire à un sentiment plein d’amertume ! — « Non, s’écria Siegfried, j’ai des torts envers lui… des torts graves ! Est-il donc dans mes manières