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Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/141

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l’une des plus bizarres et des plus affreuses passions.

» ”Dès ma plus tendre enfance, les diamants, les bijoux en or, me causaient un ravissement sans égal. Cela fut d’abord regardé comme un goût naturel à tous les enfants. Mais il en était autrement ; car, ayaut atteint l’âge de raison, je ne pouvais m’empêcher de dérober l’or et les joyaux, partout où j’en rencontrais l’occasion. Je distinguais instinctivement, aussi bien que les connaisseurs les plus experts, la bijouterie fine de la fausse, et la première seule excitait ma tentation : l’or factice, comme l’or monnayé, je le dédaignais ou n’y prenais pas garde. Cette criminelle habitude dut céder pourtant aux rigoureuses punitions que m’infligea mon père. Mais pour satisfaire du moins mon envie de manier sans cesse de l’or et des pierres précieuses, je me consacrai à la profession d’orfèvre. Je travaillai assidûment, et je ne tardai pas à acquérir un talent supérieur et hors de ligne. Alors le temps vint réveiller, pour mon malheur, ce penchant inné, qui était resté si longtemps comprimé, et qui me domina de nouveau avec tant d’énergie et de violence, que tout autre sentiment fut effacé et absorbé par lui.

» ”À peine avais-je terminé et livré un bijou, que je tombais dans un état de désolation, d’angoisse, qui tuait en moi le sommeil, la santé, jusqu’au courage de supporter la vie ! — La personne pour qui j’avais travaillé m’apparaissait nuit et jour, sous la forme d’un spectre paré de mes joyaux, et une voix chuchotait à mon oreille : « Mais c’est à toi, — mais