Aller au contenu

Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/191

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

même où le comte , à peine levé et dans l’ardente ivresse de son bonheur, jetait un regard radieux par la fenêtre de sa chambre.

Il crut d’abord que la baronne n’avait qu’une attaque de son mal ordinaire ; mais tous les moyens employés pour la rappeler à la vie restèrent sans succès; elle était morte! — Surprise par ce coup imprévu, et secrètement désespérée , Aurélia s’abandonna moins à l’explosion d’une douleur violente qu’à une consternation muette et sans larmes. Le comte, inquiet des suites de cet événement , n’osa toutefois rappeler à sa bien-aimée qu’en tremblant , et avec précaution, que sa position d’orpheline, d’enfant délaissée, lui faisait un devoir d’abjurer certaines bienséances, pour n’en pas violer une plus rigoureuse, c’est-à-dire qu’il fallait, malgré la mort de sa mère, rapprocher, autant que possible, le moment de leur union. Mais alors Aurélia se jeta dans les bras du comte, et pendant qu’un torrent de larmes ruisselait de ses yeux, elle s’écria d’une voix émue : « Oui, oui, au nom de tous les saints ! au nom de ma félicité, oui ! »

Le comte attribua ce mouvement d’effusion , si vivement exprimé par Aurélia , à la pensée amère de l’abandon et de l’isolement où elle se trouvait ; car les convenances lui interdisaient de demeurer plus long-temps au château. Du reste, il eut soin qu’une matrone âgée et respectable lui servit de dame de compagnie pendant quelques semaines, à l’expiration desquelles le jour des noces fut arrêté de nouveau, et cette fois aucun obstacle fâcheux ne