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Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/196

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causé par l’ivresse, osa la serrer elle-même dans ses bras d’une manière qui ne pouvait laisser aucun doute sur ses intentions abominables. Le désespoir lui donna dans cette circonstance une force surhumaine ; elle repoussa l’agresseur si violemment qu’il tomba à la renverse, et elle se sauva dans sa chambre où elle s’enferma.

Alors la baronne lui déclara tout froidement et très positivement que, l’étranger pourvoyant à leur entretien, elle n’avait nullement envie de retomber dans sa première misère ; que toute minauderie et tout scrupule étaient aussi inutiles que déplacés, et qu’enfin Aurélia devait s’abandonner absolument à la volonté de cet homme, qui menaçait autrement de les délaisser. Et, loin d’être touchée des larmes amères de sa fille, au lieu d’avoir égard à ses supplications lamentables, la mère dénaturée se mit à lui dépeindre, en riant effrontément tout haut, les enivrants plaisirs auxquels elle allait être initiée, et avec une telle licence d’expressions, avec une dérision si affreuse de tout sentiment honnête, qu’Aurélia fut saisie malgré elle d’une indicible frayeur.

Se voyant perdue et sans autre chance de salut qu’une fuite immédiate, elle était parvenue à se procurer la clé de la porte extérieure de la maison. Elle fit le soir un paquet d’un petit nombre d’effets les plus indispensables, et, minuit déjà sonné, croyant sa mère parfaitement endormie, elle traversait sans bruit le vestibule faiblement éclairé, et était sur le point de sortir, quand la porte s’ouvrit avec