Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/206

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et se précipite, en traversant les appartements, vers la chambre à coucher. Il y trouva la comtesse, paraissant plongée dans un sommeil doux et paisible. Alors il essaya de se persuader à lui-même qu’il avait été le jouet d’un rêve abominable, et quand il reconnut, à son manteau mouillé par la rosée du matin, la réalité de son excursion nocturne, il voulut encore supposer qu’une illusion de ses sens, une vision fantastique l’avait abusé et lui avait causé cet effroi mortel. Il quitta la chambre sans attendre le réveil de la comtesse, s’habilla et monta à cheval. Cette promenade équestre par une belle matinée, à travers des bosquets odoriférants animés du chant joyeux des oiseaux, rafraîchirent ses sens et dissipèrent l’impression funeste des images de la nuit.

Reposé et consolé, il rentra au château à l’heure du déjeuner. Mais lorsqu’il fut à table avec la comtesse, et qu’on eut servi de la viande devant eux, Aurélia s’étant levée pour sortir avec tous les signes d’une aversion insurmontable, le comte vit alors se représenter à son esprit, avec toutes les couleurs de la vérité, le spectacle affreux de la nuit. Dans le transport de sa fureur, il se leva et cria d’une voix terrible : « Maudite engeance d’enfer ! je comprends ton aversion pour la nourriture des hommes : c’est du sein des tombeaux, femme exécrable, que tu tires les repas qui font tes délices ! » Mais à peine le comte eut-il prononcé énergiquement ces paroles, qu’Aurélia, poussant un hurlement effroyable, se précipita sur lui, et, avec la