Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/219

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cette ressemblance devenait d’année en année plus frappante dans le propriétaire actuel du majorat, qu’il me disait avoir connu pour un jeune homme fort doux et même délicat. Du reste, il me recommanda de me comporter hardiment et sans façon, si je voulais avoir quelque valeur aux yeux du baron. Et puis il finit par me décrire le logement qu’il s’était choisi, une fois pour toutes, au château, parce qu’il était chaud, commode, et assez écarté pour pouvoir s’isoler au besoin de la foule bruyante des hôtes inspirés par le plaisir. Ce logement était situé tout près de la grande salle d’audience, dans une aile en retour, vis-à-vis celle où demeuraient les vieilles demoiselles, et se composait de deux petites pièces garnies d’épaisses tapisseries, qu’il trouvait chaque année disposées d’avance pour le recevoir.

Enfin, après un voyage rapide mais fatigant, nous arrivâmes au milieu de la nuit à R....sitten. Nous traversâmes d’abord le village, c’était un jour de dimanche, et l’auberge retentissait du bruit de la musique et de joyeux ébats. La maison de l’intendant était éclairée de haut en bas, et l’on y entendait aussi chanter et danser. Ce constraste nous fit paraître encore plus effroyable le chemin désert et sombre qui nous restait à parcourir. Le vent de la mer s’engouffrait avec des sifflements aigus dans la forêt de pins, et ceux-ci, comme réveillés d’un sommeil magique et profond, y répondaient par de lamentables murmures. Un vaste fond de neige faisait ressortir la noirceur et la nudité des murs du