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Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/220

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vieux manoir, et nous nous arrêtâmes devant sa grande porte close.

Mais en vain retentirent nos cris, nos heurts et les coups de fouet du postillon : il ne parut pas une seule lumière à travers les fenêtres, et l’on eut dit que tout était mort dans le château. Mon grand-oncle criait d’une voix tonnante : « Franz ! Franz ! où êtes-vous ? — Par le diable, levez-vous donc ! nous gelons ici à la porte : la neige nous fouette dans le visage jusqu’au sang. — Remuez-vous donc ! au diable !… » Un chien de basse-cour commença alors à aboyer piteusement, et nous vimes une lumière vacillante apparaître au rez-de-chaussée. Les clefs furent mises en jeu, et bientôt la grande porte massive s’ouvrit devant nous. « Eh ! monsieur le justicier, soyez le bienvenu ! surtout par l’affreux temps qu’il fait : soyez le bien-venu ! » Ainsi s’écria le vieux Franz en élevant en l’air sa lanterne, de sorte que la lumière éclairait en plein son visage ridé, auquel un rire forcé ajoutait une expression de laideur risible. La voiture entra dans la cour, nous en descendîmes, et c’est alors seulement que je pus distinguer complètement les traits du vieux domestique, étrangement affublé d’une livrée antique beaucoup trop large et galonnée en tout sens de cordonnets entrelacés. Quelques boucles de cheveux éparses garnissaient le haut de son front large et blanc. Le hâle avait bruni le bas du visage du vieux chasseur, et, malgré l’extrême tension des muscles qui donnait presque à sa figure l’apparence grotesque d’un masque, cependant la bonhomie un