Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/239

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Cet être n’était personne autre que la baronne elle-même. Dès le moment de son arrivée, et quand je la vis traverser les appartements vêtue d’une robe garnie de zibeline russe serrant sa taille svelte et élancée, la tête couverte d’un voile richement brodé, son aspect avait produit sur moi un charme puissant et irrésistible. Il y avait ensuite quelque chose d’étrange et de merveilleux dans le contraste des deux vieilles tantes affublées de robes à fontanges plus bizarres encore que celles que je leur connaissais, trépignant à ses côtés, et nasillant de fades compliments en mauvais français, tandis que la baronne promenant autour d’elle des regards pleins d’une douceur inexprimable, adressait à l’un et à l’autre une légére et bienveillante salutation, accompagnée de quelques mots en pur dialecte courlandais qui caressaient mollement l’oreille. Involontairement, je comparais en moi-même cette image délicieuse aux sorcières malfaisantes, et mon imagination se plaisait à voir dans la baronne un ange radieux de lumière, devant lequel devaient s’incliner et se confondre les indignes esprits des ténèbres.

Le vivant portrait de cette femme séduisante et enchanteresse est toujours présent à mes yeux et à ma pensée. Elle pouvait compter alors dix-neuf ans tout au plus. On n’admirait pas moins l’élégance de sa taille que la délicatesse de ses traits. Toute sa figure portait l’expression d’une bonté parfaite et angélique, mais il y avait surtout dans ses yeux un charme inexprimable. Un humide et clair rayon s’en échappait comme le symptôme de quelque ardeur secrète,