Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/267

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mon récit. Bientôt j’entrepris de chanter, avec toute l’expression dont j’étais capable, une des canzone sacrées de l’abbé Steffani. À ces sons mélancoliques : Occhi perchè piangete ?… Séraphine se réveilla de sa profonde rêverie, et m’écouta en me souriant doucement, tandis que des perles limpides brillaient dans ses yeux…

Comment arriva-t-il que je m’agenouillai devant elle, qu’elle se pencha vers moi, que je la serrai contre mon sein, et que nos lèvres s’unirent dans un long et brûlant baiser ? Comment se peut-il que je n’aie pas perdu connaissance, quand je la sentis m’attirer tendrement à elle, que je l’aie laissée sortir de mes bras, et que, me relevant avec vivacité, j’aie repris ma place au piano ! — La baronne, sans me regarder, fit quelques pas vers la fenêtre, puis elle se retourna, et, se rapprochant de moi avec un air de fierté plein de grâce, mais qui ne lui était pas habituel, elle me dit, les yeux fixés sur les miens : « Votre oncle, le plus digne des hommes ! c’est l’ange tutélaire de notre maison. Qu’il veuille bien me comprendre dans ses pieuses prières. »

Je ne pus proférer une parole : le subtil poison, que m’avait insinué ce baiser enivrant, fermentait dans mon sein et enflammait tout mon être ! — Mademoiselle Adelheid rentra. La rage du combat intérieur qui m’irritait se résolut en larmes brûlantes, qu’il me fut impossible de réprimer. Adelheid m’examinait en riant et d’un air singulier. Je l’aurais volontiers poignardée ! — La baronne me tendit la main et me dit avec une affabilité extrême : « Portez-