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Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/273

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fumer une pipe pour employer les deux heures de nuit qui nous restent. »

En même temps, mon grand-oncle prit sur l’armoire sa pipe de terre, qu’il se mit à bourrer avec lenteur et précaution ; ensuite il remua une grande quantité de papier, d’où il retira une feuille qu’il tortilla avec grand soin, et dont il alluma son tabac. Tout en chassant avec force devant lui d’épaisses bouffées, il disait entre ses dents : « Eh bien, cousin ! et ton histoire de la chasse au loup ? » Je ne sais comment ce sang-froid affecté produisit sur moi une impression extraordinaire ; je me figurais être absent de R....sitten, loin, bien loin de la baronne, et il me semblait ne pouvoir me rapprocher d’elle que par la force de la pensée. — La dernière question de mon grand-oncle me blessa. « Mais, lui dis-je, trouvez-vous donc cette aventure si risible pour en faire un perpétuel sujet de railleries ?

— Point du tout, monsieur mon cousin, répondit-il ; mais tu ne saurais croire quelle plaisante figure fait dans le monde un pauvre diable tel que toi, et quel rôle étrange il joue quand le ciel daigne permettre qu’une de ses actions sorte par hasard de la ligne vulgaire. — J’avais pour ami à l’université un homme calme, réfléchi, du caractère le plus égal. Le hasard l’engagea, lui qui n’avait jamais donné prise à pareille chance, dans une affaire d’honneur, et mon ami, que la plupart de ses camarades supposaient faible et timide, se comporta, à l’admiration générale, avec autant de courage que de dignité. Mais à dater de ce moment, il devint tout autre. Le