Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/334

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avec toi. J’avais un ami, habitué à faire comme toi, régulièrement à l’époque de la pleine lune, des promenades nocturnes. Quelquefois même il se mettait, ainsi endormi, à écrire des lettres. Mais ce qu’il y a de plus surprenant encore, c’est que lorsque j’entreprenais de lui parler doucement à l’oreille, je parvenais peu à peu à le faire jaser lui-même. Il répondait nettement à toutes mes questions, et même ce qu’il se serait bien gardé de dire étant éveillé, lui échappait alors involontairement, comme s’il eût été contraint de céder à l’influence supérieure qui le dominait. Je crois, par tous les diables, qu’il serait impossible qu’un somnambule gardât le secret d’un crime qu’il aurait commis n’importe à quelle époque, si on l’interrogeait dans un pareil moment. Heureux ceux qui ont leur conscience nette comme nous deux, bon Daniel ! Nous pouvons être somnambules à notre aise, on n’obtiendra pas de nous la révélation d’aucun crime ! Pour toi, l’ami Daniel, tu as assurément l’idée de monter à l’observatoire de la tour, lorsque lu grattes de cette affreuse manière à la porte murée ; tu veux sans doute aller travailler là-haut comme le faisait le vieux baron Roderich ? Eh bien ! c’est ce que je ne tarderai pas à savoir. »

Daniel avail été saisi d’un tremblement qui ne fit qu’augmenter à mesure que le justicier parlait. À la fin, tous ses membres devinrent le jouet d’affreuses convulsions, et le verbiage le plus incohérent vint attester son complet délire. V. sonna les domestiques, on apporta des lumières ; mais la crise se prolongea, et l’intendant fut porté dans son lit, privé