Aller au contenu

Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/333

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

sur la table, il lui demanda d’un ton d’impatience : « Eh bien qu’y a-t-il ! que m’importe ce testament, que m’importe ce procès au sujet du majorat ?

— Il suffit ! répliqua V.. Il ne sera plus question de cela. Parlons d’autre chose, mon bon Daniel ! tu n’es pas de bonne humeur, tu bailles : tout cela indique un grand accablement, et à présent je suis bien tenté de croire que c’était bien réellement toi que j’ai vu cette nuit.

— Qu’avez-vous vu cette nuit ! » demanda l’intendant sans changer de posture. V. continua : « Hier, à minuit, comme j’étais assis là-haut dans le cabinet du vieux baron, à côté de la grand’salle, tu es entré dans cette salle tout pâle, les membres raidis, et, t’étant approché de la porte murée, tu grattais contre elle avec tes mains, en gémissant comme sous le poids d’une profonde douleur. — Serais-tu somnambule, Daniel ? »

Le vieillard tomba en arriére sur une chaise que V. s’était empressé d’avancer. Pas un son ne s’échappa de ses lèvres, et l’obscurité croissante du crépuscule empêchait de lire sur son visage. V. s’aperçut seulement qu’il ne respirait qu’avec effort, et que ses dents claquaient malgré lui.

« Oui ! reprit le justicier après un court intervalle, c’est une chose singulière chez les somnambules, qu’ils n’ont point la conscience de leur état extraordinaire, et ne se souviennent le lendemain de rien de ce qu’ils font dans leurs excursions nocturnes. » — Daniel garda le silence. — « J’ai déjà vu, ajouta V., un exemple semblable de ce qui m’est arrivé hier