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Contes

l’homme un état de béatitude infinie ? Mais tous mes rêves que j’appelle remarquables, parce que le hasard leur a attribué une certaine influence sur mon existence (j’appelle hasard une sorte de coïncidence absolue et spéciale pour chaque individu, de circonstances diverses, et équivalant à une péripétie complète), tous ces rêves, dis-je, étaient désagréables et même fort pénibles, au point de me rendre souvent malade, quoique je m’abstinsse de toute contention d’esprit à ce sujet, attendu qu’il n’était pas de mode alors de scruter et de vouloir approfondir tout ce dont la nature nous a sagement dérobé le secret.

Vous savez, mon excellent père, répliqua Ottmar, comment mon ami Alban et moi nous pensons sur tout ce que vous appelez hasard, coïncidence de circonstances diverses, etc. Et quant à la mode des investigations indiscrètes, mon bon père voudra bien réfléchir que cette mode, ayant son fondement dans la nature même de l’homme, est des plus anciennes. Les adeptes de l’antique Saïs…

Halte-là ! s’écria le baron, brisons, s’il vous plaît, une discussion que je suis d’autant moins propre à soutenir aujourd’hui que je ne me sens nullement disposé à tenir tête à ton bouillant enthousiasme pour le merveilleux. Je ne puis dissimuler qu’aujourd’hui même, le neuf septembre, je suis vivement préoccupé d’un souvenir de ma jeunesse dont il m’est impossible de m’affranchir ; et si je vous racontais cette aventure, elle prouverait à Ottmar comment un rêve, qui se liait d’une manière